Le 8 juillet 2023, après le violences policières qui ont choqué le pays, une manifestation pacifique a défilé à Marseille, de la place Cadenat, située dans le quartier populaire de la Belle de Mai, jusqu’à la Porte d’Aix, étant les manifestations interdites dans le centre de la ville.
Environ 1000 personnes demandaient justice pour le jeune Nahel, mais aussi pour Mohammed (jeune homme tué à Marseille avec un tir de flashball pendant les émeutes du 2 juillet), pour Souheil (tué à Marseille en août 2021 par un policier stagiaire pendant un contrôle routier) et évidemment pour Zineb Redouane (femme âgée tuée à Marseille par une grenade lacrymogène tirée sur sa fenêtre le 2 décembre 2018).
Nombreuses associations locales (comme Adelphi’cité) et internationales (comme la Ligue des Droits de l’Homme, Attac et Amnesty International) adhéraient à la manifestation, avec les partis de la gauche française (notamment La France Insoumise, le Nouveau Parti Anticapitaliste et le parti écologiste Europe Ecologie Les Verts) et les syndicats (SUD Solidaires, la CGT, la CNT, la FSU et la FSE), mais les prises de parole ont été faites surtout par les familles des nombreuses victimes des violences policières et du racisme postcolonial.
Les manifestants et les manifestantes demandaient avec urgence une reforme de la police.
Le but principal, c’est l’abrogation de la loi relative à la sécurité publique du 28 février 2017, instituée sous la Présidence de François Hollande par l’ex premier ministre Bernard Cazeneuve, une loi qui autorise l’usage des armes à feu par les forces de l’ordre en cas de refus d’obtempérer. Même si la loi dit très précisément que l’usage de ces armes est autorisé seulement «en cas d’absolue nécessité» et «de manière strictement proportionnée» (donc le tire qui a tué le jeune Nahel ne constitue pas du tout une défense légitime par le policier responsable), cette loi, elle reste quand même soumise à interprétation et donc peut souvent se démontrer trop laxiste vers les personnes dépositaires de l’autorité publique. Avant 2017, l’usage des armes par les policiers n’était réglementée par aucun texte particulier, donc ils devaient à chaque fois démontrer qu’ils agissaient en légitime défense: cette loi a donc implicitement institué la présomption de légitime défense policière.
Un autre objectif important d’une reforme de la police, pour lequel Amnesty International France se bat déjà avec la campagne «Manifestez-vous», visée à défendre le droit de manifester en France et dans le monde, c’est l’abolition des armes dites «à létalité réduite» (comme les LBD, les grenades lacrymogènes et les flashballs), qui pourtant ont causé nombreux décès (notamment celui de Zineb Redouane en 2018 à Marseille et celui de Rémi Friasse en 2014 dans le Tarn).
Les personnes participantes à la manifestation demandent aussi la substitution de l’IGPN (Inspection Générale de la Police Nationale, qui devrait sanctionner les bavures les plus graves mais qui pourtant en est souvent complice) par un organisme neutre et indépendant, qui ne soit pas soumis à la hiérarchie policière et au ministère de l’intérieur.
Toutes les victimes de ces violences sont des personnes pauvres et racisées, touchées par des décennies de politiques discriminatoires et sécuritaires qui ont ciblé notamment les quartiers populaires. Face au racisme systémique de la police, on demande un service géré par le Défenseur des droits et dédié aux discriminations, surtout celles qui touchent la jeunesse dans ces quartiers.
Le jour même, à Paris, une manifestation équivalente, organisée par Assa Traoré, soeur d’Adama (jeune homme d’origine africaine étouffé par la police en 2016 en Île de France), a été interdite par la préfecture et attaquée par la police, même si le rassemblement était pacifique et en dépit de la présence de plusieurs députés et députées, notamment l’écologiste Sandrine Rousseau et des élus insoumis. Youssouf Traoré, frère de la victime, a été arrêté par la Brav-M sans aucune raison et plaqué au sol dans la même façon qui avait causé la mort de son frère Adama. Pourtant, il a été placé en garde à vue et accusé de «rébellion» et «violence vers personne dépositaire de l’autorité publique» et sa soeur risque des poursuivis judiciaires en tant qu’«organisatrice d’une manifestation interdite».
Au lieu de protéger le droit de manifester, les partis de la majorité présidentielle demandent, en accord avec le RN, que les députées et les députés qui ont participé à des manifestations non autorisées soient punis par la justice; au lieu de s’interroger sur les responsabilités gouvernementales et de la police elle-même qui ont causé cette haine, ils voudraient interdire et sanctionner le slogan «tout le monde déteste la police», souvent chanté dans les rassemblement; au lieu de fermer la cagnotte en soutien du policier qui a tué le jeune Nahel, le gouvernement empêche encore au peuple de s’exprimer. Après l’engagement de dizaines de milliers de policiers et de gendarmes pendant la fête du 14 juillet, la manifestation du 15 juillet, encore contre les violences policières, qui aurait dû avoir lieu dans toutes les grandes villes de France, a été à nouveau interdite par Darmanin.
Tout cela continue de démontrer l’échec d’un gouvernement incapable de communiquer et de convaincre et qui a plus peur de la gauche progressiste que de l’extreme droite raciste.
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